Aidante familiale, je sors du silence

 

Voici le témoignage de Lylou, aidante de son amoureux.
 A retrouver également sur sa page www.facebook.com/avecmestetras

Un témoignage difficile mais plein d'amour, parmi tant d'autres

Ce sont ses mots

 
Je suis devenu aidante familiale, cela fait maintenant deux ans...
Jamais je n’aurais pu imaginer la charge physique et émotionnelle que cela pouvait représenter... et de devenir invisible aux yeux de tous.
Nous sommes rangés au même titre que les mères aux foyers.
J’ai entendu à plusieurs reprises, que ce soit de mon entourage proche comme bien plus éloigné, des remarques assez incroyables ! Je ne veux pas de médaille, mais juste un minimum de reconnaissance. Je dirais mieux, le respect.
Mais pour cela, il faut qu’ils sachent...
Qu’ils sachent que nous nous retrouvons dans beaucoup de cas seuls.
Moi, on m’a tout délégué. C’est-à-dire, qu'aujourd’hui moi simple aidante, je me retrouve à être femme, mère, auxiliaire de vie, infirmière et j’en passe.
Mais personne ne comprend pourquoi je suis si fatiguée.
Pourquoi je manque de temps ?
Aujourd’hui même où j’écris, nous avons organisé un entretien d’embauche, car contrairement à ce que l’on peut croire nous perdons beaucoup de temps à nous faire aider...
Cette auxiliaire de vie se demandait pourquoi j’avais besoin d’aide...
Puisque je ne travaille pas, une personne handicapée ça ne doit pas demander tant de temps ...
Mais j’ai un fils aussi… Et moi aussi j’existe.
Pourquoi ai-je besoin d’aide ?
Les besoins et les soins constants que demande Antho, dû à son handicap, me demandent beaucoup de minutie, de temps et d’énergies. Sans compter tout ce qu'il y a à côté...
Comme tout le monde, je dois faire les papiers, m’occuper de la maison, des enfants, des rdvs, des chiens aussi ^^ enfin tout comme tout le monde, je pense...
Je me réveille au minimum 4 fois par nuit à cause des spasmes qui font trembler les jambes d’Antho et se relèvent. Il se retrouve dans la position de la grenouille et tant pour son confort que pour sa sécurité, je dois les replacer correctement.
Je dois également gérer ses problèmes de thermorégulation.
Parfois, je dois faire des transferts quand il est malade, en pleine nuit aux toilettes.
Pour garder un rythme pour mon fils (eh oui) on se lève chaque matin à 6h30 ...
Nous attaquons alors la douche, les besoins (car oui là aussi il faut que j’intervienne), entre ça, l’habillage et les soins ça nous prend deux heures.
Nous nous organisons chaque matin.
En général, nous nous occupons de tout ce qui est administratif, des rdvs etc...
L’après-midi, j’essaie de garder un peu de temps pour dormir... mais bon je ne peux pas tous les jours, voire rarement, car comme beaucoup nous sommes sujets à l’imprévu…
Entre les personnes qui passent à l’improviste (je ne leur en veux pas, car ils ne savent pas) ou les obligations de la vie tout court, je cours encore.
Quand viens le soir où tout est censé se calmer pour tout le monde, c’est là que je commence à m’activer, traitement, transfert, toilette au lit, soins, manger (veiller sur le petit en même temps bien sûr) je commence à souffler en général vers 22h/23h ... Il faut bien que j’aille me laver alors je file à la douche. L’eau chaude soulage tellement mes douleurs. Il faut bien que je range un peu, donc j’essaie tant bien que mal à tenir ma maison correctement...
Je peine souvent à trouver le sommeil ... Je ne sais pas si c’est ma tête qui ne cesse de fonctionner et qui m’empêche de dormir, ou le petit moment de calme que la nuit m’offre ...
Avant, c’était pire... il faisait de l’apnée du sommeil... 82 apnées à la minute (statistiquement l’apnée la plus grave). Cela a duré 1 an, en dormant avec lui, sans appareil à apnée, car il ne supportait plus les tuyaux (suite a son accident, il avait été en soin intensif pendant quelques semaines). Il a réussi à passer au-dessus de sa peur par amour, pour que je puisse dormir avec lui.
Aujourd’hui, en connaissant par cœur Antho et son handicap, nous trouvons des solutions qui améliorent un peu notre vie... Mais elle en reste difficile...
Pourquoi je fais ça ?
PARCE QUE JE L'AIME et il n’a pas à payer le manque de moyen de la société ...
Qu’est-ce que j’entends par là ?
Du personnel peu formé... Ben oui... A savoir que le handicap d’Antho est si important que tout ce qui est CCAS, infirmiers, ne peuvent ou ne veulent pas s’occuper de lui. Oui, ils refusent, car ils le disent ... Ils ne sont pas formés pour ça …
Il reste une ou deux agences de services à domicile. Et là, même s’ils assurent un personnel formé, c’est rarement le cas et je pourrais même faire un petit livre d’anecdote tellement j’en aurais à raconter ... (bien sûr, je ne fais pas de généralité)
Oui en soi, un transfert, ce n’est pas compliqué... habiller quelqu’un non plus,  l’installer au fauteuil c’est facile oui, lui mettre des chaussettes de contentions sans faire de garrot c’est facile, veiller à ce que la poche urinaire soit bien mise aussi... Tout ça, c’est facile... mais de le faire bien, c’est autre chose ... Et trouver quelqu’un de vraiment attentif c’est compliqué (encore plus depuis que nous sommes ensemble)
Car oui un petit pli sous la fesse pourrait être la fin du monde, car ils provoquent des spasmes tellement violents qui pourraient l’éjecter du fauteuil. La chaussette un peu mal mise pourrait lui couper la circulation du sang et provoquer dans un cas extrême une amputation.
La poche urinaire ! le petit pli qu’il y aura au coin de la poche fera qu’elle ne se remplira pas correctement et provoquera une fuite. Donc, il faudra le changer d’une part pour l’hygiène et pour sa santé, car une escarre est si vite arrivée.
Et ce n’est pas parce qu’il est paralysé qu’il ne sente rien, on est loin de la bouilloire qu’on vide sur la jambe du tétra dans intouchable... Il ne ressent pas comme nous, mais ça n’en ait pas moins douloureux ...
Alors oui je pourrais laisser quelqu’un d’autre le faire, mais c’est difficile, car je veille au confort de mon amour <3
Et de tout vérifier, ou attendre la catastrophe, est devenu trop épuisant moralement...
Rien que la pédicure, je suis obligée d’être présente, car elle ne remonte pas la chaussette et ne remet pas la poche urinaire.
Avec tout ça… on me demande encore pourquoi je ne travaille pas... bien sûr !
Je vais dire tous les jours ou tous les deux jours à mon patron que je dois quitter mon poste, car mon compagnon tétraplégique à un problème.
En moins d’un mois, je me ferais licencier... J’aimerais pourtant, faut pas croire ! Un mi-temps quelque part ce serait au top ! Mais bon…
Encore heureux que j’ai ma Lolo (auxiliaire de vie) qui vient 2h par jour, du lundi au vendredi. Elle fait tout ce qu’elle peut pour nous aider. Elle m’aide pour le ménage, nous fait à manger de temps en temps, va à la pharmacie, fait deux trois courses et surtout heureusement, elle comprend, car aujourd’hui je crois bien que c’est la seule... Il faut qu’on assure tous les jours et toute l’année...
Je ne suis pas en colère, hormis contre l’état, car c’est juste inadmissible de se retrouver dans ces conditions en 2020 ! Je ne suis pas malheureuse non plus, car j’ai un chéri vraiment extra qui m’épaule du mieux qu’il le peut et un fils bien plus merveilleux que je n’aurais pu l’imaginer...
Je suis juste triste... Triste qu’aujourd’hui à cause de tout ça je peine à profiter pleinement de ma vie et de ma relation avec mon chéri.
Car oui, à côté de tout ça, il faudrait aussi qu’on ait une vie amoureuse ... Une vie de famille et du temps pour mon fils.

Et moi dans tout ça…
Je continue chaque jour avec la force que j’ai.
Comme beaucoup ! Car non, je ne suis pas seule dans cette situation, je le sais.
Nous sommes des milliers de petits oubliés bien trop fatigués pour avoir la force de se battre, pour faire reconnaître leur statut... Bien trop fatigués pour croire au miracle.
Je tiendrais tant que je le pourrais par amour ! Mais l’avenir me fait peur.
Alors je trouve des solutions et j’en trouverais d’autres !
C’est mon combat et j’espère pouvoir combattre pour vous et avec vous pour une vie plus simple, plus accessible…

(Vos commentaires apparaitront après ma validation. Merci pour votre compréhension)

 

Commentaires

  1. Je souhaite partager votre message car en effet je sais que la fonction d'aidant familial n'est pas connu et souvent même de la famille la plus proche qui ne comprend pas ce que cela représente.
    Courage à vous.

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