Je vais vous parler d'une famille, des amis, des voisins.

Je les connais depuis gamin et je les aide depuis des années. Je suis leur unique ami de confiance et ils n'ont aucun contact avec le reste de leur famille.
 
Le père décédé depuis une dizaine d'années, la mère de 89 ans vit en appartement avec son fils et sa fille de 66 et 61 ans.
 
Le fils retraité de petits boulots, avec moins de 600 euros par mois, est handicapé d'une jambe et d'un bras. Un minimum de scolarisation.
La fille possède également un taux d'invalidité pour une déformation de la colonne. A mon avis, la connaissant bien, elle est certainement autiste, mais cela n'a jamais été évoqué par qui que ce soit. Elle a eu un cancer du sein. Elle travaille dans un établissement d'aide par le travail (ESAT) réservé aux personnes en situation de handicap. Elle n'a aucun loisir particulier et ne sort jamais, excepté pour son travail et quelques obligations.
 
Le fils a un cancer des poumons déclaré au début 2020. Après 8 mois d'hospitalisation (confinements, positif au Covid, complications de sa chambre à cathéter PAC), il est de retour à la maison depuis un mois.
8 mois dont une bonne partie sans visite possible et j'ai donc régulièrement fait l'échange du linge à l'accueil de l'établissement. J'étais la personne de confiance auprès de l'équipe soignante en plus de la sœur, mais celle-ci comptait sur moi pour faire l'intermédiaire.
Avec l'assistante sociale de l'hôpital, nous avons organisé sa sortie et lancé une demande d'APA (allocation personnalisée d'autonomie).
 
Jusqu'à récemment, je n'entrais jamais chez eux. Je côtoyais surtout le fils dehors, car il aimait la vie de quartier. Mais depuis ces 3 dernières années où je les aide un peu plus, je remarque une certaine omerta. Régulièrement, je leur apporte des packs d'eau. Ils me reçoivent sur le palier, porte fermée, et c'est une fois reparti qu'ils entrent les packs à l'intérieur.
 
La mère au fort caractère, gère et décide tout pour la famille. La fille qui aujourd'hui s'occupe des courses et de la partie administrative, ne prend aucune décision sans la validation de sa mère. Elle ne montre aucune émotion, est incapable de dire ce dont elle a envie pour son plaisir. Le fils ne s'occupe de rien.
 
Sauf que, la mère n'est plus sortie de chez elle depuis 3 années… alors qu'elle était bavarde et aimait parler avec les gens qu'elle croisait. On l'entendait à l'autre bout du quartier.
Elle ne voyait donc plus le médecin de famille. Avec insistance pour qu'elle l'accepte chez elle, je l'ai contacté pour qu'il vienne en consultation au domicile. Pas très chaud pour se déplacer, je lui mets la pression. En lui présentant déjà mon combat pour les aidants, mais surtout en lui rappelant qu'il n'est pas normal, par l'intermédiaire de la fille qui va le voir pour elle-même, de renouveler une ordonnance de médicaments sans voir sa patiente depuis si longtemps. Il s'est enfin déplacé en février et a prescrit une prise de sang A DOMICILE. Sauf que la mère a laissé trainer la chose ne voulant personne chez elle. Ce n'est pas faute de l'avoir relancée régulièrement, elle qui espère vivre jusqu’à 100 ans comme elle aime le dire. Foutu caractère !
Ce n'est qu'en novembre, profitant de l'intervention d'une infirmière au domicile pour le fils, "imposée" par l'hôpital, que j'ai réussi à lui faire faire cette prise de sang. En apportant ensuite chez eux les résultats que j'ai reçus du laboratoire, le fils m'a étonnamment entrouvert la porte et la mère est venue me voir. J'ai découvert une femme que je n'avais pas vue depuis un moment, pliée en deux, à la voix rauque et un effrayant aperçu de ses jambes... On aurait dit qu'elle portait des bas en laine tricotée. J'ai transmis les résultats de sang qui me paraissaient alarmants et mon ressenti, au médecin de famille en lui disant qu'il fallait venir la voir et certainement demander un bilan à l'hôpital (oui j'ai fait "médecine spé aidant" haha). Il est passé chez eux et a confirmé une hospitalisation…
Résultats : POSITIVE COVID  ➜  en sce covid +  ➜  Covid bien supporté  ➜  en SSR aujourd'hui.
En parallèle, les enfants et moi-même testés, car cas contacts  ➜  la sœur positive  ➜ isolement.
 
Ne voulant personne chez eux, en 2011 lorsque le bailleur du quartier a refait des travaux dans tous les appartements pour mettre en conformité l'électricité, la plomberie et la salle de bain - la famille a refusé l'entrée aux techniciens….
Le bailleur n'a malheureusement pas insisté malgré ses obligations, et aujourd'hui ils ont une installation qui date d'une soixantaine d'années dont la moitié ne fonctionne plus. A cela s'ajoute que le frigo et le lave-linge sont en panne depuis un long moment et laissés en l’état, car conscients du danger électrique… (?)
Je n'ai découvert cela que récemment par mon implication plus forte depuis l'hospitalisation de la mère.
Pendant l'isolement covid de la fille, je me suis occupé de leurs courses,  je conservais dans mon réfrigérateur leurs aliments frais pour ensuite leur apporter journellement. La fille avait l'habitude de faire des courses tous les 2 jours, certainement pour pallier au manque de frigo.
Ah, et la télé - elle est en panne depuis des années (encore la peur de l'électricité pour la changer). Ils ne sont ni lecteur ni joueur, pas d'ordi alors que font ils de leur journée ?!
 
Et…j'ai mis un pied chez eux par la force des choses et l'absence de la mère !
WOUHAA GLOUPS. Vous avez l'image d'une cave sombre ou d'une photo urbex d'un lieu abandonné en tête ? Et bien c'est chez eux !
J'en ai vu des logements douteux, mais là….
J'ai vu des "couvertures" de poussières sur les meubles, le sol, la cuisine, qui se détachent par plaques. Des traces noires de moisissures sur les murs, des toiles d'araignées partout. J'avais chaud et du mal a respirer alors qu'il se plaignent régulièrement d'avoir froid chez eux, en pestant sur le manque de chauffage (central)….  Le fils a un cancer des poumons, bon sang !!!! Tout est encombré d'affaires, de piles de papiers...
Depuis ces 3 dernières années d'isolement de la mère, les volets du séjour étaient au 3/4 fermés en journée. Je leur conseillais régulièrement d'ouvrir et d'aérer, en m'appuyant cette année sur le virus. C'était toujours un petit "oui"….
La mère a délaissé malgré elle l'entretien du foyer, mais la fille n'a pas pris le relais (?) Le syndrome de Diogène peut-être.
Comment ont-ils lavé, séché, correctement le linge, les draps, sans machine, sans profiter de la laverie du coin ? La vieille baignoire est bouchée depuis quand ? il suffisait d'appeler le bailleur et c'était réparé. Demain le fils doit aller à sa chimio et n'a pas de pantalon propre me dit-il…
La fille qui vit depuis un mois, seule, avec son frère handicapé ne sait même pas faire cuire des pâtes… A la moindre question, elle m'appelle.
Je passe presque tout mon temps pour eux depuis un moment.  Mes proches ne comprennent pas toujours…
 
Bref !
Depuis plus d'un mois, je suis en lien avec les assistantes sociales des deux hôpitaux, celle du conseil de département Seine-St-Denis qui a été top. J'ai demandé au bailleur de faire les travaux. Ils ont répondu présents rapidement et je les en remercie, même s'il y a eu un dangereux laisser-aller. Le 4 janvier, ils débarquent pour une semaine. Ils vont réaliser, à leur charge bien sûr : l'électricité, l'installation d'une douche, le carrelage, la peinture, barre d'appui wc, plus douche, etc.
La famille changera ensuite le frigo, le lave-linge et la télé.
Avec les APA et PCH on organise les aides à domicile pour la toilette et le ménage. L'assistante sociale du département est adorable.
Nous mettons tout en place pour changer la situation pendant que la mère est à l'hôpital.

Mais ça ne sera pas suffisant. La fille ne pourra pas s'occuper de son frère et de sa mère en dehors des aides. Et elle travaille. Nous réfléchissons à une protection juridique, un placement...
 
Quand les paroles ne correspondante pas aux actes, ne crois que les actes.

 

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